Le jour est levé depuis Longtemps quand j'ouvre les yeux. Après une bonne douche, je m'introduis dans le costume de gabardine fabriqué spécialement pour le voyage. Je me sens en forme ce matin.
Les sacoches sont remplies des objets que j'ai peu à peu et minutieusement classés.
Une tente à mât central, un tapis de sol cousu en forme de cuvette, un bon duvet, la popote, les couverts, une grille pliante, de l'alcool solidifié, une pharmacie, mon linge de corps, une paire de souliers de montagne, une paire de souliers cyclistes de rechange, un short, un survêtement en laine, un pull-over, une paire de genouillères, un passe-montagne, un briquet à butagaz, les cartes pour mes premières étapes, les pièces de rechange pour la bicyclette, outillage et chambres à air, un nécessaire de toilette, un livre de bord, des papiers divers et un passeport.
Sacoches accrochées, j'enfourche pour la première fois ma bicyclette qui va devenir ma compagne des bons et mauvais jours. Arrivé à l'atelier, où déjà les amis m'attendent, je reclasse tout mon matériel dans les cinq sacoches, deux à l'avant, deux à l'arrière et sac de guidon. Tout mon matériel est utile. Si je disposais de crédits pourrais expédier des colis d’allégement, mais ce n'est pas le cas. D’ailleurs, avec les complications de douane cela n'arriverait pas à temps. Je dois donc m'habituer à ce poids : 19 kilos de bicyclette, 41 kilos de bagages. Dieu, que c'est lourd et dur à traîner... comme un boulet !
Lionel Brans, Seul à bicyclette de Paris à Saïgon, Amiot-Dumont, Paris 1951